« Parfait, ça sera tout pour aujourd’hui. Pensez à travailler la méthode du philtre de paix, je risque très certainement de vous interroger dessus au prochain cours. Je vous rappelle que ça n’est pas pour vous saquer, mais bien pour vous préparer à vos examens, même s’ils vous semblent particulièrement lointains –et pour cause, étant donné que nous n’avons même pas fini l’année civile. Profitez de votre soirée, et tentez d’allier devoirs et détente, je ne voudrai pas vous tuer à la tâche. A la prochaine ! »

Alors que je regardais mes étudiants, déprimés au possible par le récent évènement d’Halloween et la suppression de leurs principales distractions, se lever pour quitter la pièce et s'éloigner autant que possible de ces cachots, je soupirais, me demandant pourquoi ça tournait de cette manière. Je savais qu’il fallait prendre des précautions pour éviter que ça ne se reproduise, mais je doutais que leur enlever le bal de Noël les aiderait vraiment à surmonter tout ça. Ils avaient besoin de se changer les idées, ces gamins. Et pas que les élèves, d’ailleurs. Le moral de l’équipe pédagogique laissait aussi à désirer, toujours ébranlés par ce meurtre. Pauvre môme. Je rangeais les feuilles éparpillées sur mon bureau, pas mécontent d’en avoir enfin fini avec les cours pour ce jour-là. Oh, j’adorais mon boulot de prof, mais quand je voyais des têtes de déterrés toute la journée, ça me foutait le moral dans les chaussettes. Je commençais à jouer avec ma plume, traçant quelques traits qui s’estompaient peu à peu par manque d’encre, peu motivé à enchainer avec la journée qui allait venir. Il fallait pourtant que je me force. Je tentais depuis quelques jours de leur arracher des sourires avec des blagues plus ou moins vaseuses, mais si certains jouaient le jeu, et tentaient de se laisser aller, il n’en était pas de même pour tous. Et faire cours à des zombies… Voilà, quoi.

Je finis par me lever, récupérer mes affaires, fermer la salle de cours, et quitter ma salle pour me rendre dans mon bureau. Encore une fois, je soupirai. Cela faisait quelque temps déjà qu’une fois seul, je ne pouvais pas m’en empêcher. J’avais l’impression d’avoir pris un méga coup de vieux, je devais l’avouer, mais j’avais besoin de décompresser. J’irai surement demander à mon auror de meilleur pote d’aller faire un tour un de ces quatre, chose qu’il me refusait en temps normal. Aller, cette fois-ci, il verrait que ça me ferait du bien, non ? Je l’espérais, sinon, je me laisserai dépérir devant sa porte, sans manger ni boire jusqu’à ce qu’on sorte. Il m’en savait capable, tout comme je le savais capable de me trainer dans la rue pour m’abandonner seul avec mes idioties. Ouais, il faudrait que j’y réfléchisse à deux fois. Alors que je commençais à divaguer, j’entendais quelques coups frappés faiblement à ma porte. Je ne pus empêcher un sourire franc d’étirer mes lèvres. Je jetais un coup d’œil à mon reflet dans la vitre d’une des étagères, vérifiant rapidement ce à quoi je ressemblais. Là, mon comportement me faisait penser à celui de ces ados que je côtoyais tous les jours. Mais bon, on allait passer outre, hein. Passant brièvement mes doigts dans mes cheveux, je m’approchai de la porte, expirai un bon coup, puis l’ouvrai, tentant d’avoir l’air un minimum sérieux. « Miss Davis… » Lui intimant d’entrer d’un signe de tête, je fermai la porte derrière elle, retournant à mon bureau. La raison de sa venue ? La demoiselle s’avérait être un peu trop bavarde à mon goût pendant mes cours, et j’avais fini par la mettre en retenue, histoire de lui faire passer l’envie de jacasser. Enfin ça, c’était la version officielle. L’officieuse ? J’avais franchement besoin de la voir. Avec tout ce qui se passait en ce moment, toute cette ambiance pourrie qui nous plombait, tous autant que nous étions, j’avais plus que jamais besoin de la serrer dans mes bras, de coller mes lèvres dans son cou pâle, de sentir la douce odeur de sa peau, de toucher ses doigts si fins, de les serrer dans ma main… Aller, je devais tenir un peu... Je le pouvais, n'est-ce pas ? Des fois, je me demandais comment j'avais pu m'attacher à une fille aussi jeune. Et puis, quand j'avais sa peau contre la mienne, je ne cherchais pas plus loin. Je savais que j'étais bien avec elle, c'était tout ce qui importait. Je m'assis sur le bois du bureau, comme j'avais tant l'habitude de le faire, et commençai à lui sourire sans pouvoir me retenir. J'étais persuadé que, même si j'étais loin d'afficher la tête idiote du mec qui s'est entiché -des années que j'avais arrêté de la montrer, celle-là-, n'importe qui aurait pu lire ce qu'il y avait dans mon regard quand je le posais sur elle. Quel idiot je pouvais faire. Me reprenant, je retrouvais ma contenance. « Je suppose que... vous savez pourquoi vous êtes là ? » J'aimais bien la vouvoyer comme ça, quand nous étions seuls de temps à autres, histoire d'accentuer sur le « je suis le prof, tu es l'élève », pour la taquiner un peu. Elle savait parfaitement ce que j'en pensais, de toute manière, non ? Me laissant glisser doucement du bord de mon bureau, comme si je n'arrivais pas à décider quelle posture adopter -ce qui était le cas-, je m'appuyais finalement contre, la paume de mes mains appuyée sur le bois. Et si je pensais à me stabiliser un peu, hein ? Ça pourrait être une bonne idée.