Ma seule famille

Le jour venait de tomber sur le collège de Poudlard. Les rumeurs doucement s’engourdissaient de sommeil et tranquillement la Grande Salle s’était vidée pour ne laisser place qu’à quelques retardataires qui repoussaient le moment où Morphée s’éprendrait d’eux.

Je faisais partie de ces rebelles, encore sous le choque de ma première journée d’admission à ce collège auquel je rêvais depuis cinq années déjà.

La soirée m’avait semblée irréelle, il me semblait que les onze années passées à être prisonnière de la demeure Thomlinson n’avaient jamais existées. Je renaissais, ou plutôt naissais, et la vie qui s’offrait à moi brillait de mille feux.

Sur mes frêles épaules de fillette pesait le poids des attentes familiales. Mon frère, Serpentard, faisait honneur aux Thomlinson et aux Bloom et je ne pouvais me dérober à cet honneur horrible qui me faisait courber l’échine.

Au fond, la pression qui me faisait si peur résultait d’une seule et unique pensée; je n’étais ni une Bloom, ni une Thomlinson.

Sous les regards des autres élèves plus âgés, debout dans la masse de premières années, j’attendais patiemment que mon nom soit appelé.

Du coin de l’œil, je pouvais voir mon frère, impassible, me toiser silencieusement. Assis près de ses camarades de Serpentards, les bras croisé et le regard sévère, il savait comme moi que je ne rejoindrais pas les rangs de Serpentards et que dès lors, il ne serait plus possible aucun amour entre nous. C’était comme ça, c’était la fatalité.

Lui qui tentait tellement de plaire et moi qui se refusait à une telle mascarade.

Mes yeux s’embuèrent à cette pensée, alors que je tentais de garder contenance en fixant devant moi un point invisible. Ce qui se passerait ce soir allait être décisif pour moi, la maison qui me serait attribuée confirmerait bien des choses.

Alors que m’étais distillée dans l’acidité de mes songes, un coup de coude me sortie de mes rêveries.

- Abi, c’est à toi! Souffla avec peu de discrétion Davis Umberlay, un sang-mêlé avec qui j’avais socialisé dans le Poudlard Express et avec qui je me liai que très brièvement d’amitié.

Mes membres étaient engourdis, je dois admettre que j’avais peur. Le silence de la Grande Salle était intimidant, et tous les yeux rivés sur moi ne faisaient qu’engraisser la crainte qui s’était logée dans mon estomac.

Prenant le dessus sur toutes les émotions contradictoires qui s’heurtaient violemment dans mon esprit, inspirant profondément, je rassemblai mon courage et d’une démarche assurée et confiante, entrepris de me rendre jusqu’à ce tabouret où m’attendais le fameux Choixpeau magique.

Toisant la grande salle avec fierté, un sourire vainqueur aux lèvres, la vieille étoffe rapiécé se posa sur ma tête brune. Elle s’anima alors, pénétrant mon esprit avec une vélocité qui me donna pratiquement le vertige.

« Ô… voilà qui est intéressant! Je vois beaucoup de choses dans ta tête, et beaucoup de controverse. Une longue lignée de Serpentard te précède, du côté de ta mère bien entendue… Mais je ne vois aucun trait de personnalité pouvant te permettre d’accéder à cette maison. Tu es fière, courageuse et déterminée à ne pas être ce que ta chair te prédestinait à devenir… il faut croire que tu briseras la roue, car je t’envoie sans l’ombre d’un doute à…. »

La voix qui s’était immiscée dans ma tête marqua un temps d’arrêt qui me sembla une éternité, me tenant en halène.

-… GRYFFONDOR!

Les acclamations de bienvenues fusèrent des rouges et or, m’accueillant avec une chaleur et un enthousiasme qui vint me réchauffer l’âme.

Mon visage se tordit en un sourire immense, les applaudissements et les expressions bienveillantes me firent sentir immédiatement chez moi; j’avais trouvé une vraie famille.

Je me levai en un bond, impatiente de rejoindre ma nouvelle maison et jetai une dernière œillade discrète à mon aîné.

Toujours impassible, ne démontrant aucune émotion particulière, je sentis tout de même dans son regard toute la déception qu’un homme pouvait possiblement éprouver. À cet instant précis je perdais mon frère à jamais et je gagnais à la fois une nouvelle famille.

Un de perdu, dix de retrouvé dit-on.

Assise à la table des Gryffondors, excitée par toutes les conversations amicales qui y régnaient, je ne perdis pas une seconde à me joindre à eux, nouant avec certains d’entre eux des liens qui allaient survivre au temps et me sentant pour la première fois de ma vie, « chez moi ».