Tout le savoir du monde

Le temps passe si vite. Lors de ma première rentrée à Poudlard, j’étais bien loin d’imaginer que je serais, seize ans plus tard, professeur à l’université Witchcraft. Et pourtant, il me semble que c’était hier.

[1998] J’ai onze ans.
Lorsque je me rendis sur le chemin de traverse accompagnée de ma mère en ce beau jour de juillet, je savais que ce n’était pas un jour de shopping comme les autres. Ce jour-là, nous venions acheter les fournitures en vue de ma première rentrée à Poudlard.
J’étais bien sûr déjà venue ici, ne serait-ce que pour accompagner mes parents à la banque. Cet endroit m’avait toujours intriguée, d’autant plus que je n’avais eu que très tard l’autorisation de les accompagner jusqu’à leur coffre-fort. Il paraît que les entrailles de ce bâtiment renfermaient bien des mystères parfois terrifiants, alors les enfants devaient rester dans le hall d’accueil. C’est l’explication qui me fut donnée. Pourtant, lorsque j’ai pu monter dans les chariots, j’ai trouvé ça très amusant. Sans nul doute, nous ne sommes pas passés devant les endroits les plus effrayants. Je suis de nature assez craintive, il est facile de me faire sursauter. Cependant, si j’arrive à me rassurer une fois, ma peur s’envole. Ce jour-là, tout s’est bien passé. Alors j’ai pu y retourner sans crainte par la suite.
Les achats pour ma rentrée ont eu une grande importance à mes yeux. J’ai tout choisi avec soin, j’ai dû passer plusieurs heures dans la librairie. Mais cela, j’en avais l’habitude, elle a toujours été ma boutique préférée, avec la boutique de baguettes. Mais dans cette dernière, en général, nous n’allons qu’une fois. Je crois que chaque sorcier se souvient du jour où il est choisi par sa baguette. La mienne mesure 22, 5 centimètres, est faite de bois de hêtre et d’un crin de licorne.

Est arrivé le jour du départ. Je l’attendais avec impatience. C’était une grande fierté d’être admise à Poudlard, même si j’avais été élevée dans cette perspective et n’avais jamais eu aucun doute à ce sujet. Mon père a étudié à Gryffondor et ma mère à Serdaigle. Ce sont tous deux de brillants sorciers. Cependant, il y a une différence entre savoir quelle prestigieuse école on va intégrer, et l’intégrer réellement. J’ai entendu tellement d’histoires à son propos que j’appréhende un peu ma vie là-bas. Si ça se trouve, Poudlard me fera l’effet de Gringott’s, une peur qui s’efface au fur et à mesure que l’on apprend à connaître l’établissement. Quoi qu’il en soit, il était hors de question pour mes parents que leur fille aînée les déçoive, et je n’en avais pas l’intention. C’est donc déterminée que je montai dans le train, en prenant mon courage à deux mains que je me dirigeai sans trembler vers le tabouret pour être répartie dans l’une des quatre maisons par le Choixpeau, et soulagée d’aller m’asseoir à la table des Serdaigle.

Durant les premiers jours de cours, je réalisai effectivement que mes appréhensions étaient infondées. Si certains professeurs se montraient plus désagréables, plus exigeants, plus élitistes que d’autres, je ne rencontrai pour ma part aucun problème. J’avais été préparée à mes études. On pourrait même dire que je n’avais vécu que pour ça. Ma mère avait pris les devants et m’avait déjà enseigné les bases. Je continuais seule quelques lectures lorsqu’elle s’occupait de mon frère et de ma sœur. Je passais enfin de la théorie à la pratique, et me révélais plutôt douée, surtout pour la botanique et l’histoire de la magie, où il me suffisait souvent de retenir les cours. Cependant, cela ne me suffisait pas. J’avais besoin d’un peu d’action.


[2001] J’ai quatorze ans.
Je venais de passer une nouvelle soirée à la bibliothèque. Lorsque je rejoignis la salle commune, Eyllyn, ma meilleure amie, me sauta dessus.

« Méli, tu devineras jamais ! Il y a une fête demain soir chez les Gryffondor. Et tu sais qui y sera ?... »
« C’est gentil mais j’ai du travail… »
Le professeur McGonagall venait de me confier qu’elle percevait en moi un véritable potentiel pour la métamorphose. Il ne m’en fallait pas plus pour que je me mette à redoubler d’efforts afin d’exploiter ce potentiel. D’autant plus que la métamorphose était devenue une de mes matières préférées. Elle me permettait d’allier le savoir théorique et l’action dont j’avais besoin. J’aimais cette capacité que j’avais à transformer les objets autour de moi. Mon plus grand rêve était de réussir un jour à me transformer moi-même. J’avais un autre rêve, bien mieux caché, que seule Eyllyn savait : celui de gagner le cœur de Tobias, un charmant Gryffondor aux cheveux dorés, d’un an mon aîné.

« Oh alleeeeeeeez… Tu sais que tu ne tomberas pas dans ses bras simplement en claquant des doigts ! »
« Je sais, merci de me le rappeler… », répliquai-je, amère.
« De toute façon, je ne te demande pas ton avis. On y va, c’est tout. Neil nous fera entrer. »

Neil, c’était son petit ami, camarade de Tobias. L’entrée à la fête ne se faisait que sur invitation et connaissance, à cause de cette vieille rivalité entre maisons. Je trouvais cette petite guerre ridicule, mais elle continuait malgré tout. Je soupirais, mais savais qu’Eyllyn n’en démordrait pas tant que je ne lui aurais pas dit oui. Alors j’acceptais, tout en pensant qu’il serait toujours temps de m’éclipser discrètement et de rentrer si je m’y ennuyais.

Le fait est que, le lendemain soir, je ne m’ennuyai pas du tout. Je pris même plaisir à être à cette fête, buvant un peu plus que de raison. Lorsque Tobias s’avança vers moi et m’entraîna pour une danse, j’en oubliais de rougir. Le monde pouvait bien s’écrouler autour de moi, je ne m’en serais pas aperçue. Plus rien ni personne n’existait en dehors de nous lorsque sa bouche se posa sur la mienne. Eyllyn avait raison quand elle me disait que l’amour était la meilleure chose que la vie pouvait nous apporter. Je profitai pleinement de ces quelques mois d’idylle parfaite, délaissant mes révisions pour passer le plus de temps entre les bras de mon amoureux.


[2002] J’ai quinze ans.
« Eyllyn… Tu dors ? »
Il était deux heures du matin, et je venais de regagner le dortoir.
« Non. Tu étais où ? »
« Avec Tobias. Je peux venir dans ton lit ? »
Les années passant, il arrivait que nous nous rejoignions dans nos lits respectifs lorsque nous avions une confidence de la plus haute importance à se faire. En l’occurrence, je lui avouai ce qu’elle m’avait elle-même avoué quelques mois plus tôt. Je venais de perdre ma virginité. L’enfance me quittait, c’était paradoxalement le moment où j’avais le plus besoin de mon amie, de nos habitudes d’avant. Je me blottis contre elle et lui racontai tout. Puis nous nous replongeâmes dans certains souvenirs avant de tomber de fatigue.

Si seulement j’avais su que mon histoire d’amour s’arrêterait là… Coucher avec le plus de filles possible, c’était tout ce que recherchait Tobias. Mais aucune ne prenait la peine d’avertir les autres. Toutes étaient délaissées, et j’en fis partie. En réalité, sa réputation de Don Juan n’était plus à faire, mais la plupart des filles s’en fichaient. Mon obsession pour mes études m’avait fermé les yeux. Ma naïveté m’avait brisé le cœur.


[2004] J’ai dix-sept ans.
J’ai longtemps évité les hommes. Ma première leçon m’avait suffi pour les mettre tous dans le même panier. Le savoir, lui, ne me trahirait jamais. A force d’entraînement, je devins la meilleure élève du cours de métamorphose. Peut-être avais-je inconsciemment le projet de pouvoir transformer Tobias en scrout à pétard ?
Le professeur McGonagall accepta de me donner de temps à autre des cours particuliers approfondissant ce que nous apprenions en classe, revoyant en moi la jeune fille qu’elle était.

« Professeur ? J’aimerais… apprendre à devenir Animagus. »
« Hum. Ce sera un long apprentissage, miss Hawkins. Mais vous en avez les capacités. Je peux vous en apprendre les bases, mais ne négligez pas vos examens de septième année. Nous verrons par la suite ce que nous pouvons faire. »

Mon avenir se dessinait, sans homme à l’horizon, tandis qu’Eyllyn filait toujours le parfait amour avec Neil. Il m’arrivait parfois de la jalouser. Ils avaient des projets ensemble pour la fin de leurs études, tandis que je n’en avais que pour moi. C’est dans cet état d’esprit que je rencontrai Malek, élève à Serpentard, de la même année que moi. Je n’avais encore jamais porté le regard sur lui, non parce que je partageais la méfiance des autres maisons entre les Serpentard, mais parce que j’étais partagée entre ma déception concernant les hommes et ma passion pour les livres et la métamorphose. Je le laissai se rapprocher de moi, toutefois. Abattre, à force de patience, mes barrières. Persévérer, m’aimer. Il n’était pas comme les autres. Il était sincère. Je crus réapprendre à aimer.


[2005] J’ai dix-huit ans.
Ma dernière année d’études. La dernière ? Théoriquement. Dans les faits, on parlait d’une nouvelle université qui regroupait les étudiants sorciers souhaitant poursuivre leurs études. Le savoir est ma vie, je ne m’imagine pas autrement que professeur de métamorphose. Il me reste encore quelques savoirs à acquérir, mais le niveau que j’ai atteint dépasse celui de mes camarades de septième année.
A la fin de l’année, je regardai partir Eyllyn et Neil. Ils allaient habiter ensemble, construire leur vie commune. On se promit de rester en contact. De mon côté, je m’occupais de mon inscription à l’université. Malek me suivit. Tout ce qu’il fit, c’était pour moi. Il s’était spécialisé dans les forces du mal, impulsif qu’il était. Je crois avoir été la seule personne à avoir jamais gagné son cœur. Mais je n’ai pas su lui rendre cet amour qu’il me portait.

Direction Witchcraft pour sept nouvelles années d’études et de perfectionnement. Je trouvai un petit studio pour m’installer au calme, décidant de ne pas habiter avec Malek pour que nos matières n’interfèrent pas. Et puis nous nous croisions quotidiennement sur le campus ou aux alentours. Je pensais que tout irait bien.


[2007] J’ai vingt ans.
Durant mon apprentissage intensif, je réussis enfin à me métamorphoser. L’un de mes rêves venait de se réaliser, et je pus découvrir l’animal qui se cachait en moi. Ma forme animale était un faucon. Immédiatement, je repris mes recherches pour comprendre pourquoi cette forme et pas une autre. La lumière se fit à travers le prisme de l’Histoire. Le faucon. Le dieu égyptien Horus. Avais-je certaines similitudes avec lui ? La digne enfant de ses parents, peut-être ? Il est vrai qu’au contraire de mon frère et de ma sœur, j’étais très attachée à eux, leur rendant visite aussi souvent que possible. J’étais celle qui avait le plus profité de leur enseignement et mis en pratique leurs conseils. Pour le reste, j’étais un peu trop fière pour m’en rendre compte, mais sans doute la signification du nom d’Horus a-t-elle influé sur ma forme. « Celui qui est au-dessus »… Je me voyais volontiers supérieure aux autres. D’autre part, l’élévation, autant spirituelle que sociale, me tenait à cœur. J’étais assez ambitieuse. Il me fallait atteindre un niveau hors compétition pour pouvoir enseigner un jour ma matière aux élèves.


[Un détail de l’année 2011 en test RP]


[2012] J’ai vingt-cinq ans.
Cette fois, la rentrée sera vraiment la dernière. Je savais que la prochaine, ce serait en tant que professeur que je la ferai. Professeur remplaçante, pour commencer, l’année prochaine. En attendant, je pris le poste d’assistante qui m’avait été proposé l’année précédente. En guise de travaux pratiques, le professeur me chargea d’assurer les cours de métamorphose de première année, tout en gardant un œil attentif sur mes prestations.