La fenêtre s'ouvrit violemment, la pluie faisant irruption dans la petite chambre. Béatrix sauta hors de son lit, les yeux lourds de sommeil et se précipita pour refermer le battant. Lorsqu'elle eut essuyé les quelques gouttes entrées dans sa chambre, la jolie blonde se tourna vers son réveil et remarqua qu'elle n'avait que dix minutes d'avance sur son horaire habituel. Elle serait encore plus tranquille que les autres matins, même si il n'y avait pas foule, à 6h30 du matin. Elle serait plus tranquille. Une heure de nage lui feraient le plus grand bien. Elle s'habilla, balança son sac de piscine sur son épaule et, tout en sortant du bâtiment universitaire, éplucha sa banane. Elle traversa le campus en courant sous la pluie et s'engouffra dans le complexe sportif. Elle baissa la capuche de son survêtement et lança un coup d'oeil aux étudiants déjà présents sur les diverses machines de sport. Ils lui lancèrent de grands sourires. Les sportifs du campus étaient habitués à voir débarquer tous les matins, à 6h30 tapante, cette grande blonde à l'allure si frêle face à leur muscles et tablettes de chocolat. Béa aussi était musclée, mais à la manière d'une fille, c'est à dire avec des fesses fermes, un ventre plat, des abdos en béton et de longues et fines jambes bien galbées. Une sportive, quoi ! Et la natation était une véritable passion qu'elle avait découverte en arrivant à l'université. Jamais avant elle n'aurait eu l'idée de se lever si tôt pour aller nager. Mais elle avait découvert les pouvoirs thérapeutiques de l'eau. Tous ses soucis s'envolaient, lorsqu'elle fendait le bassin avec l'agilité d'un dauphin et la grâce d'une sirène. Bon, pas une sirène avec la queue de poisson, ni le soutien-gorge en noix de cocos, bien entendu ! Une sirène blonde en Speedo noire et orange.

Béatrix traversa le complexe sportif jusqu'à la piscine olympique. Lorsqu'elle poussa la porte qui faisait communiquer le reste du complexe à la piscine, via les vestiaires, des effluves de chlore flottèrent jusqu'à son nez, lui arrachant un sourire. Elle adorait cette odeur. La jolie blonde prit la direction d'un vestiaire et rapidement, se glissa dans son maillot, attrapa son bonnet, ses lunettes et fourra toutes ses affaires dans son grand sac. Elle quitta les vestiaires et entra dans l'immense salle où était la piscine. Elle marcha jusqu'aux gradins, y déposa son sac et retourna sous les douches. Elle fit couler l'eau sur sa tête, mouillant ses longs cheveux blonds qu'elle releva et fit glisser sous son bonnet. Lorsqu'enfin elle se sentit complètement réveillée, la jeune femme sortit des douches et rejoignit le bassin. Elle passa devant le maître nageur et lui glissa un << bonjour Matthew >>, accompagné d'un sourire timide. Ce qu'il était craquant... Depuis le temps qu'elle venait à la piscine le matin, avant que le bassin ne soit pris d'assaut, elle avait fini par prendre l'habitude de l'appeler par son prénom. Et même s'il était follement sexy et que tous les jours c'était un délice de lui adresser la parole, Béa n'était jamais allée plus loin.

Elle descendit l'échelle, entrant dans l'eau. Ajustant ses lunettes, elle se laissa couler, que l'eau recouvre son visage. Puis, lorsqu'elle se fut habituée à la température légèrement fraîche du bassin, elle se mit en position et, d'une puissante poussée des pieds contre le rebord, elle fendit l'eau et nagea le crawl. A chaque fois qu'elle tournait la tête pour respirer, son regard cherchait Matthew, sur le bord de la piscine. Une fixette sur le séduisant maître-nageur ?

Lorsqu'elle revint à son point de départ, Béatrix entendit Matthew l'apostropher. Elle lui sourit et répondit.

<< Une petite heure, je pense. Je me suis blessée à la cheville hier soir en faisant un footing. Donc je vais y aller doucement, même si ça fait plus de bien qu'un sachet de glaçons >> s'amusa-t-elle.

La jeune femme replongea après lui avoir sourit. Elle souriait beaucoup, quand même... Était-ce pour les beaux yeux bleus du maître-nageur ? Laissons-lui le bénéfice du doute, en n'oubliant pas l'existence de Louis. En parlant du Français, Béa n'avait pas cherché à avoir des nouvelles de lui, depuis des semaines. Elle ne supportait pas son petit jeu avec Vitalic. Elle se sentait sans cesse épiée. Et justement, elle avait décidé d'en jouer, pour blesser Louis et le pousser à la laisser tranquille.

A la fin de sa deuxième longueur, la jeune femme vit que la piscine commençait à se remplir. Lentement certes, les volontaires à la natation à 6h30 étant plutôt rares sur le campus. Mais, étonnamment, ce matin faisait exception à la règle. Un petit groupe de garçons visiblement turbulents fit son entrée en hurlant comme une meute de gorilles. De vrais gamins. Levant les yeux au ciel, Béatrix continua son entraînement. Tandis que ses bras sortaient puis replongeaient dans l'eau, elle se concentra sur les cours de la journée encore jeune. Elle ne pouvait le nier, depuis quelques jours, elle se donnait à fond aux entraînements pour épater Matthew. Une sorte de bataille contre elle-même ? Ou bien un moyen de lui faire du gringue ? Béatrix n'avait jamais vraiment eu à apprendre à draguer un garçon et cela manquait cruellement dans son éducation. En effet, soit on l'avait courtisée dans les règles de la noblesse bulgare, ou on l'avait abordée en premier. Encore mieux, depuis deux ans, elle n'avait même plus à draguer, puisqu'elle était censée préparer un pseudo-mariage qu'elle espérait ne jamais ô grand jamais voir réalisé. Etre le personnage principal d'une pièce de théâtre que vous détestez, quoi de plus humiliant ? Elle voulait diriger sa vie, mais le contrat de sa tante dans l'entreprise du père de Louis la bloquait. Oh bien sûr, elle avait proposé à sa tante un accès illimité à son compte bancaire que ses parents remplissaient chaque mois, mais la fière Bulgare avait refusé, plongeant ainsi sa nièce dans le plus grand désarroi. Et Béa ne voulait pas être l'obligée de Louis toute sa vie.

Sa colère, sa tristesse, sa frustration, sa haine remontèrent en elle. Elle avala de l'eau et dû s'arrêter soudainement, s'appuyant contre le rebord. Relevant ses lunettes, la jeune femme se pinça le nez, fermant les yeux. Elle reprit son souffle, remit ses lunettes, balaya ses mauvaises pensées et replongea, finissant la longueur. Elle qui se pensait indépendante, si elle avait su combien le drame de sa famille la toucherait et la déstabiliserait... En revenant en sens inverse, elle vit que la troupe de joyeux lurons avait investie sa ligne d'eau. Inspirant profondément, elle décida de passer en-dessous. Elle n'avait pas de temps à prendre à leur demander de se déplacer. D'autant qu'ils n'avaient pas l'air enclins à la conversation. Elle plongea donc et, alors qu'elle passait sous leurs pieds, un d'eux, par mégarde, lui envoya un coup dans les hanches. Aussitôt, l'air lui manqua. Elle porta ses mains à ses côtes, essayant de conserver le peu de souffle qu'il lui restait. Lorsque la dernière bulle d'air s'échappa de ses lèvres, la douleur dans sa cage thoracique ne s'en alla pas pour autant. Au contraire, elle redoubla et un écran noire vint voiler ses yeux. Non, pas comme ça... pas la noyade Luttant pour remonter, la jeune femme se sentit partir.

Après un dernière effort, elle sombra dans l'inconscience.