Quatre-vingt-dix-huit. Quatre-vingt-dix-neuf. Cent. Béatrix se redressa. Cent abdos. Le tarif habituel, après son sport matinal. La jeune femme souleva son t-shirt et passa sa main sur son ventre parfaitement plat. Et Louis voulait déformer tout ça… Elle lui avait fallu beaucoup de temps pour atteindre de tels abdos. Et elle ne les vendrait pas contre un moutard. Certes non. Qu’il aille en engrosser une autre… Les études d’abord, les enfants après. Et à y réfléchir de plus près, Béatrix n’était pas du tout prête à porter les enfants de Louis et à être mère. Alors là, pas du tout. Cela signifiait être responsable. Est-ce que laisser mourir deux poissons rouges et une plante verte signifie suffisamment de responsabilité pour élever un enfant ? Béa n’en était pas certaine.

Cessant de penser aux enfants qu’elle n’aurait peut-être pas, Béatrix se déshabilla, abandonnant ses vêtements de sport sales et puants sur le parquet de la chambre. Elle s’enroula dans sa serviette éponge verte et, traversa le couloir, pour rejoindre la salle de bain qu’elle partageait avec son voisin de chambre. Lucian Fenrir. Elle, à devoir partager une salle de bain avec un lycan. Elle ne comprenait pas l’administration. Ne pouvaient-ils pas faire un quartier réservé aux individus indésirables de ce genre ? S’ils méritaient encore le titre d’individu. Et même cela, l’éducation de Béatrix la poussait à le remettre en doute. Depuis ses plus jeunes années, ses parents, Ekaterina et Konstantin Thorne s’étaient évertués à lui faire comprendre la supériorité de la race humaine sur les créatures à demi monstrueuses qu’étaient lycans et vampires. Béatrix avait remis en doute une bonne partie de son éducation, mais pas celle-là. Elle avait accepté cette idée, forgeant toute sa réflexion sur un postulat extrêmement discriminatoire, à l’opposée des pensées qu’elle avait l’habitude d’avoir. Elle qui se voulait ouverte d’esprit et toujours prête à la conversation, s’était involontairement murée dans de stupides considérations basées sur de faux préjugés. Un manque flagrant de bon sens. Mais c’était comme ça et pas autrement. Elle ne l’aimait pas. Elle n’avait pas à l’apprécier, de toute façon. Son rang – bien qu’elle n’en ai jamais eu cure – et son éducation le lui interdisaient. Et puis, les loup garous ne pouvaient qu’être foncièrement mauvais… Des monstres assoiffés de sang, mangeant des bébés à la pleine lune, hurlant à la mort comme des chiens au milieu de vastes forets. Préjugés. Contes de bonne femme. Superstition. Merci la Bulgarie…

Béatrix entra dans la grande salle de bain. Même s’ils n’avaient à la partager qu’entre deux personnes, elle était plutôt grande. Deux larges vasques entourées de placards pour que les élèves puissent y poser leurs affaires. Et une grande douche, qui fit rapidement de l’œil à la jolie blonde. Elle se brossa les cheveux, retira les restes du mascara de la veille qu’elle avait oubliés avant d’aller se coucher et mit son gant et sa serviette dans la douche, se retrouvant nue. Elle oublia de fermer la porte à clef. L’eau chaude sortit du pommeau dans un jet de vapeur, coulant sur le corps de la jeune femme qui sourit de contentement. Elle adorait cet instant où, après un bon exercice, le réconfort d’un instant de plaisir vous attend. Elle leva les bras et entreprit de mouiller tous ses cheveux qui, une fois gorgés d’eau et donc lisses, lui arrivaient à la moitié du dos. Elle se retourna, dos à la pièce et, les mains contre elle, laissa l’eau ruisseler sur son visage, les yeux fermés. Le miroir sur le mur opposé reflétait son corps nu, ainsi que le tatouage qu’elle arborait sur l’arrière de la hanche gauche : Съединението прави силата. L’union fait la force. La devise bulgare, tatouée pour ses vingt ans. Et sur sa cheville droite, une unique lettre majuscule fort joliment dessinée : un D.

Les gens regardaient bizarrement ce loup qui marchait en boitant à travers le campus. Les gens se demandaient pourquoi il était ici, sale et le flanc droit recouvert de sang. Les gens avait bien dû deviner que ce loup n’était pas un simple animal mais bien un lycan sous sa forme de loup commun. Ils pestaient donc sur ces animaux sauvage sans éducation ni humanité. Ils pestaient surtout sur le fait que ce loup-là était transformé au milieu du campus. Les rumeurs allaient aller de bon train, surtout avec autant de sang sur lui. Il serait sans doute suspecté de meurtre même sans qu’il y ait de corps retrouvé. Le sang pourrait très bien être celui d’un animal de la foret mais non, les lycans aimaient surtout chasser des hommes. Mais ce loup-là n’en avait rien à faire. Il n’avait rien à se reprocher si ce n’est d’être encore trop faible physiquement. Lucian aimait beaucoup aller courir en forêt pour se tester et repousser ses limites. Aujourd’hui, il avait tenté un saut qu’il n’avait pas réussi. La chute s’était mal passé et il s’était retrouvé avec une branche planté dans la patte arrière droite et tout le flanc droit ouvert. Il n’avaitpas l’habitude d’afficher en public ses formes de loup, mais là il devait rentrer chez lui assez vite pour se soigner. Il était sortit de la foret pour aller à sa réisdence dans le quartier Est. Ne voulant pas passer par le centre du campus, ni pas le quartier chic du Sud, il avait fait un léger détour par le Nord.

Sans se préoccuper de ce que disaient les gens, Lucian boita jusqu’à sa résidence. Arrivé devant la porte de son immeuble, il n’eut d’autre choix que de reprendre forme humaine pour pouvoir utiliser les poignées. Dans un douloureux effort, Lucian commença sa transformation. D’habitude, reprendre forme humaine n’étais pas douloureux, mais là tout son corps était déjà meurtri. Les plaies s’ouvraient encore plus alors que son corps grandissait. Les muscles déchiré autour de la branche plantée dans sa cuisse essayait de se transformé et de se cicatriser sans succès. Lucian grogna de douleur, et le grognement se transforma dans un cri étouffé de douleur alors que Lucian retrouvait sa forme humaine. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était assi par terre devant la porte, la jambe tendue en tenant sa cuisse des deux mains avec la branche toujours planté tel un drapeau et nu comme un ver. La respiration haletante dû à l’effort et à la douleur, Lucian jeta un regard noir à quelques étudiants qui le regardait au loin, amusé de voir quelqu’un nu. Ne voulant pas s’attirer des ennuis dans cet état, Lucian attrapa la poignée de la porte pour s’aider à se relever et entra dans le bâtiment. Il se dirigea vers sa chambre en boitant et en s’appuyant sur les barrières. Il croisa quelques étudiants qui furent surpris et choqué de le voir nu et ensanglanté mais aucun ne fit une remarque. Lucian n'avait pas de problème avec la nudité. Ce n'était pas un exhibitionniste puisqu'il ne se mettait pas nu juste pour le plaisir. Mais il perdait ses vêtement dans se transformations et quelques fois, il ne pouvait pas en prévoir en remplacement. En dix ans, il s'était souvent retrouvé dans des situations délicates. Il n'avait donc pas de complexes vis à vis de lui et ne se préoccupait pas des jugements des autres.

Lucian arriva à sa chambre et se dirigea vers la salle de bain. Il était enfin presque arrivé, il allait pouvoir se soigner et se reposer un peu. Arrivé devant la porte, il entendit l’eau coulé de la douche. Sa colocataire devait être à l’intérieur mais Lucian avait trop mal et était trop fatigué pour attendre ou encore être poli. Il actionna la poigne décidé à mettre un coup d’épaule pour entrer de force. Sa colocataire était une sorcière, elle n’aurait qu’à réparer la serrure d’un coup de poignet. Alors que le lycan avait déjà appris appui sur sa jambe valide pour donner l’impulsion, la porte s’ouvrit naturellement avec qu’il ne puisse l’enfoncer. La porte n’était pas fermée à clé. Emporter par son élan, Lucian eut le réflexe d’avancer son autre jambe pour retrouver l’équilibre. Il posa sa jambe blessé devant et y mit tout son poids, mais la jambe ne pouvait supporter cet accoup et cette pression. Les muscles lâchèrent et Lucian tomba en avant pour s’étaler sur le sol de la salle de bain dans un grognement dont on pouvait vaguement distingué un juron. Lucian resta allongé quelques secondes par terre en se concentrant pour calmer la douleur. Il n’entendait même pas le bruit de l’eau ou la porte qui claqua en s’ouvrant si brusquement. Après quelque s seconde, Lucian attrapa la lavabo et se tira d’un bras pour s’adosser un mur. Une grande trace de sang de un mètre de long gisait sur le sol. Lucian jeta sa tête en arrière pour la poser sur le mur et regarda vers le ciel pour se calmer et se reposer un peu.

L'eau ruisselait sur son corps, lorsqu'un raffut pas possible explosa dans la salle de bain. Béatrix sursauta vivement, le boucan l'arrachant brutalement au fil de ses pensées. Elle se retourna et étouffa un cri. Devant elle, sur le carrelage blanc de la salle de bain, était Lucian, nu et crasseux. Elle coupa l'eau et passa sa serviette autour d'elle. Elle sortit de la douche, rasant les murs de près. Son cœur reprit rapidement un rythme normal, mais le tremblement qui l’avait prise après cette désagréable surprise perdurait. Elle reprit son souffle, rassemblant ses esprits. Mais qu’est-ce qu’il faisait là ? Ce n’est qu’alors, qu’elle remarqua la trace de sang sur le sol, près de la porte défoncée. L’incompréhension se peignit sur son visage. Elle attrapa sa baguette posée sur le rebord de la vasque et répara la porte en un gracieux mouvement du poignet. Elle referma le battant et, les mains sur les hanches, se tourna vers le jeune homme avec lequel elle DEVAIT partager la salle de bain.

<< Déjà que tu m’imposes tes poils après la douche, Fenrir, alors s’il te plaît, évite les traces de sang sur le sol. >>

Béatrix reposa sa baguette et, saisissant une éponge, s’agenouilla et entreprit de nettoyer la traînée de sang sur le carrelage, tout en pestant en bulgare. Ce garçon était insupportable. Déjà qu’on lui imposait de partager une salle de bain avec un homme ! Mais en plus, un loup-garou ! Quelle indécence de la part de l’administration. Béatrix ne parvenait déjà pas à comprendre pourquoi il n’y avait pas un étage pour filles, un autre pour les garçons. La décence eut été d’agir ainsi. Mais en plus ! En plus ! Ce que ses parents qualifiaient de « sous-homme ». Bon, d’accord. Ce qualificatif était peut-être un peu trop fort et Béatrix n’acquiesçait pas à toutes les idées d’Ekaterina et Konstantin Thorne, mais pour le coup, elle l’aurait bien qualifié de sous-homme. Qui a idée de se traîner dans la boue et de se blesser ? Seuls les animaux agissent ainsi.

<< Tu pourrais pas apprendre à te tenir ? N’y a-t-il pas un lac près de la fac ? Tu pourrais t’y laver, nan ? >>

La voix de Béatrix était froide, agressive. Fort différente de sa personnalité. Elle était plutôt du genre enjouée, heureuse de vivre, rigolote. Mais Lucian faisait ressortir la partie la plus noire de sa personnalité. Peut-être parce qu’il remettait en doute les fondements de tout un pan de son éducation ? Il avait beau être lycan et la jeune femme avait beau lui mettre nombre de torts sur le dos, elle ne parvenait pas à s’imaginer son colocataire comme un monstre assoiffé de sang, dévorant des femmes et des enfants, le sang dégoulinant sur ses babines. Non, lorsqu’elle pensait à lui – et c’était fort rare – elle imaginait plus un loup courant à pleine vitesse entre les arbres, le vent dans sa fourrure. Après tout, pouvait-il être différent ? Béatrix reprit ses esprits. Non. Il n’était pas différent. Il n’était qu’un monstre. Un animal.

La jeune femme se redressa pour nettoyer l’éponge. Regardant le sang couler dans le lavabo, elle retint une grimace de dégoût qui s’évanouir rapidement sur son visage pâle. Elle n’aimait pas le sang. Non pas que cela la dégoûte au point d’en tomber dans les pommes, mais cette odeur, cette couleur, étaient trop proches du meurtre, de l’assassinat. De l’acte irréparable qui avait ruiné sa vie et celle de son frère. Non, elle ne supportait pas le sang.

Béatrix continua ses aller retour, sans jeter un coup d’œil au jeune homme qui reprenait son souffle, adossé au mur. Lorsqu’elle eut tout effacé, la jeune femme se tourna enfin vers lui. Il ne semblait pas dans son assiette.

<< T’es pas censé avoir des capacités de régénération ou un truc dans l’genre ? En tout cas, la prochaine fois que tu as la super idée de te transformer si près du campus, trouve un moyen de pas tout déguelasser. Je suis pas ta femme de ménage. >>

Sympathique, Béa. Les hostilités étaient lancées. La jeune femme n’avait pas vraiment réfléchi. Mais à la réflexion, ce grand gaillard pouvait lui fermer le caquet en une fraction de secondes. Autant profiter de son affaiblissement. Courageux, Béatrix. Très courageux, comme action. Bientôt, le prix de la camaraderie ? Béatrix fit taire son esprit et se concentra sur Lucian. Les mains sur le hanches, les cheveux dégoulinant et le corps trempé, debout devant lui, elle attendait une réponse du jeune homme que son cœur lui hurlait d’aider, tandis que son cerveau couvrait cette voix, lui intimant le mépris et le dédain.

Lucian utilisait toutes ses capacités à reprendre son souffle et ses esprits. Il devait avoir perdu un ou même plusieurs litres de sang. Il était assis, adossé au mur les yeux en l’air, le teint pâle et crispé. Lucian devina que sa colocataire sortait de sa douche en catastrophe pour prendre une serviette et s’enrouler dedans avant de commencer à hurler. Au point où il en était, Lucian n’en avait pas une cacahuète d’hippogriffe à faire de ce qu’elle pouvait dire. Elle fit référence à sa nature de lycan en mentionnant des poils qu’il laissait dans la douche. Lucian aurait rigolé à cette phrase en temps normal, car ses poils de lycan justement étaient trop épais pour tomber sous la douche, contrairement aux longs cheveux fins de la jeune fille. Par contre, il lui aurait bien mis une baffe pour se plaindre du sang sur le sol. Le jeune homme avait un bout de bois épais de trois centimètre planté profondément dans la chair. Il se vidait de son sang et cette stupide humaine se plaignait de la saleté. Encore une hypocrisie humaine car si elle était à sa place, elle serait en train de supplier pour de l’aide, en pleurant toutes les larmes de son corps.

La jeune femme ne semblait pas démordre de sa stupidité humaine car elle entreprit de nettoyer la salle de bain alors que Lucian était encore allongé nu sur le sol, se vidant de son sang et elle-même n’était vêtu que d’une serviette. Si Lucian avait encore assez de sang pour en envoyer à son sexe, il lui aurait été facile de jeter un coup d’œil sur le corps dévoilé de la jeune femme lorsqu’elle se penchait pour nettoyer. La jeune femme nettoya avec degout en faisant encore preuve de ses manières.

Lucian complètement à bout de patience et ne se préoccupant plus des conventions et de la politesse commença à parler dans un souffle rauque :

« Ferme ta gueule ! J’vais t’la nettoyer ta putin d’salle de bain, après que j’ai fini. Réfléchis deux secondes avec ta supériorité intellectuelle, t’arrives à sécher un lavabo sans couper l’eau ? D’abord j’me soigne et ensuite je nettoie le bordel que j’ai foutu. J’t’ai rien demandé moi. Casse toi si c’est pour me les briser. OU retourne dans la douche, j’men contre fous. Mais une chose est sûre, c’est que je vais nettoyer ma blessure, que je v ais la panser, que j’nettoirais et après j’me barre. Et parle pas sans savoir. »

Une inculte qui n’avait aucune idée du véritable fonctionnement de la lycanthropie. Une qui savait sans apprendre, sans se renseigner. Lucian travaillait dessus, faisait des recherches à propos de sa condition depuis plus de dix ans, mais mademoiselle était humaine donc elle en savait plus que lui. Dans un effort ultime, Lucian attrapa le lavabo et se hissa pour atteindre la pharmacie. A bout de bras, il l’ouvrit et sortit la trousse de premier secours en faisant tomber tout le reste. Les tube de dentifrices et de shampoing rebondirent et s’étalèrent au sol. Lorsque Lucian avait organisé la pharmacie, il avait intentionnellement évité de mettre les flacons en verre devant la trousse de pharmacie, sachant pertinemment qu’en cas de besoin, tout volerait dans la pièce. Alors qu’il ouvrait la trousse de soins, il jeta un regard à Béatrix plein de provocation, pour voir si elle allait encore pousser les limites de la stupidité en se plaignant du désordre qui régnait au sol.

Béatrix resta bouche bée. Elle aurait voulu répondre quelque chose, mais rien ne sortit. Elle resta comme une carpe, la bouche ouverte, sans mot dire. Jamais, on ne lui avait parlé de la sorte. Jamais on n'avait osé, lui parler de la sorte. Et s'entendre dire ferme ta gueule fut la pire des claques. Mais une bonne claque, en fin de compte. Depuis qu'elle était petite, on lui avait toujours parlé avec déférence et respect. S'appeler Thorne en imposait, visiblement. Même si elle n'avait jamais aimé qu'on la catalogue dans les petites filles de bonne famille, élevées dans le luxe et les mondanités. Elle était plus complexe que cela. Pourtant, elle venait de démontrer le contraire. La superficialité, les préjugés, le mépris de sa classe sociale d'origine, à laquelle elle cherchait tellement à échapper, s'étaient rejoints dans les paroles qu'elle avait prononcées à l'égard du jeune homme allongé sur le sol. Elle voyait parfaitement qu'il souffrait et tout ce qu'elle avait trouvé d'intelligent et d'opportun, avait été de le blâmer pour du sang sur le sol et un peu de bazar dans leur salle de bain.

Éberluée, elle le regarda attraper une trousse de secours, mettant sans-dessus-dessous la salle de bain. Béa referma la bouche et ne réagit pas au regard pourtant provocateur qu'il lui lança. Elle attrapa sa baguette et, d'un mouvement du poignet, remit tout en place, sans lui jeter un coup d'oeil. Il était bien assez grand pour se soigner tout seul. Pas besoin d'une infirmière, encore moins d'une baby-sitter.

La jeune femme retira sa serviette et retourna sous la douche, sans lui adresser un regard. Dans son état, il ne devait pas en avoir grand chose à faire, d'être dans la même pièce qu'une fille nue. Tandis que Lucian s'occupait de ses blessures, Béa rinça ses cheveux, retirant la mousse. Elle les accrocha rapidement et enroula la serviette autour d'elle, ressortant de la douche. Elle s'approcha de Lucian et, baissant les yeux vers lui, dit d'une voix glaciale :

<< T'as besoin d'aide ? >> La voix était froide, peu avenante, mais ça venait du coeur. S'il avait besoin de son aide, elle la lui offrait. Mais la jeune femme s'attendait à un nouveau flot d'injures. En même temps, comment comprendre qu'une fille vous méprise pendant un instant et que la seconde suivante, elle vous propose son aide ?

La jeune femme attrapa sa brosse et, tout en se peignant les cheveux, vit - enfin - que son colocataire était nu. Genre, vraiment nu. Genre, le sexe à l'air, quoi. N'étant pas de ces gourdes qui gloussent faussement de gêne à la vue du sexe d'un homme, Béatrix en profita pour jeter un regard au corps de Lucian. Quand c'est beau, on ne se prive pas pour regarder ! Pas vrai ? 'Fin là, la frontière avec le voyeurisme est bien mince... Sous la crasse et le sang, il y avait un corps. Plutôt bien façonné. Okay, même très bien façonné. Ben quoi ? Même fiancée, on ne se prive pas d'admirer les beaux hommes. Et puis bon, c'est pas comme si j'étais en train de le dévisager. Il ne m'a pas vue le regarder.

Les mots de Lucian semblaient avoir eu un impact sur la jeune femme. Elle ne répondit rien et resta de marbre. Lorsque Lucian la regarda d’un air sec lorsqu’il remit encore plus de bazar, la jeune femme ne dit pas un mot. Elle se contenta de ranger les bouteilles à leur place d’un coup de poignet. Lucian la suivit du regard, cherchant à croiser ses yeux. Il était un animal, dont l’intimidation passait aussi par le regard. Il saisit alors la branche à la base, prit une grande inspiration et serra les dents. Il tira d’un coup sec et rapide pour retirer la branche de sa cuisse en laissant échapper un grognement étouffé. Il afficha une légère grimace de douleur et de haine. Béatrix avait décidé de suivre la suggestion de Lucian et semblait retourner sous la douche. En évitant soigneusement de regarder Lucian, elle se remit à nue pour retourner à la douche. Elle enleva la serviette révélant ses jolies et gracieuses formes à Lucian.
Mais Lucian ne se préoccupait de ça. De toute façon, il n’avait plus assez de sang pour être excité. Et d’une façon générale, il appréhendait les relations surtout avec les femmes. En temps normal, elles étaient déjà compliquées, mais alors avec sa condition de Lycan, il avait toutes les chances de se retrouver dans des problèmes trop gros pour lui. Il ne se laissait tenter par les plaisir de la chair que lorsqu’il était en voyage avec la certitude qu’il ne reverrait jamais sa partenaire. Et qu’elle ne le retrouverait jamais non plus. Jusqu’ici, Lucian n’avait jamais laissé aucune fille approché dans sa zone de confort, son cercle d’intimité. Voyant sa colocataire, tous les jours il était hors de question de laisser des besoins animales vagabondés dans son esprit. Elle laissa l’eau couler sur son corps, la buée s’élevant autour d’elle dissimulant vaguement son corps.

Lucian compressa sa cuisse avec force pour ralentir le saignement et se faire un peu mal pour le rappeler à l’ordre. Il attrapa la bouteille d’alcool à 90° et l’ouvrit avec les dents. Il cracha le bouchon et versa le liquide juste au-dessus de la plaie pour que le liquide coule sur la plaie afin de la nettoyer. L’alcool lui brula la plaie, se mêlant au sang et à la chair. Lucian se retint de hurler et cessa même de respirer. Il devint légèrement rouge et chaque muscle de son corps se contracta. Il attrapa un morceau de coton, qu’il utilisa pour nettoyer le sang de sa jambe. Il imbiba ensuite une compresse d’alcool qu’il appliqua sur sa plaie et la fixa avec un bandage. Il avait un trou de trois centimètres dans la cuisse. Il fallait d’abord que le sang coagule pour stopper le saignement. Une fois que le saignement serait arrêté, il laisserait la cicatrice à l’air libre afin qu’elle cicatrise mieux. Une plaie qui respire guérit mieux et plus vite. Et sa nature de lycan aidait beaucoup. D’ici le lendemain, plus rien n’indiquerait qu’il avait été blessé.

Béatrix sortit de la douche lorsqu’il finit de faire son bandage. Lucian n’avait aucun problème avec la nudité. Il n’avait aucune pudeur et n’avait aucun mal à s’afficher nu. Tel était sa nature. Mais il n’était pas habitué à ce qu’on lui retourne, dans ce cas-ci, la faveur. Béatrix attrapa tranquillement sa serviette et s’enroula dedans. Lucian ne se priva pas de la regarder cette fois ci. Il regardait toujours d’un air sec et froid. La mâchoire serrée, l’air implacable. L’atmosphère était tendu et palpable. Elle demanda d’un air glacial si le lycan avait besoin d’aide. Lucian se releva alors en s’aidant du lavabo. Il se redressa de toute sa hauteur et regarda la jeune femme droit dans les yeux. La douleur s’étant calmée, il avait retrouvé son air calme et tranquille. Il parla d’une voix calme et sereine :

« J’demande rien à personne moi. Si j’ai besoin de quelque chose, quoique ce soit, même de l’aide, je me donne les moyens de l’obtenir. Parce que y’a jamais eu personne d’autres pour m’aider. Et j’ferais en toujours en sorte de dépendre de personne ! Et toutes vos conneries d’intégration des créatures pseudo-humaines, j’y crois pas. Vous êtes des hypocrites, vous vous bercez une illusion de bonté et de charité, vous voulez juste vous donner bonne conscience pour vous endormir un sourire aux lèvres. Mais en pratique… tsss… c’est une autre histoire. Alors tu m’aimes pas, t’as peur de moi, tu me méprises, j’en ai rien à foutre de ta vie. Tu la gaspilles comme tu veux, moi par contre, tu m’empêches pas de vivre la mienne ! A part le fait d’exister, je t’ai jamais emmerdé alors t’es gentille, tu me rends la pareille. »

Lucian avait distinctement insisté sur le fait qu’il vivait pleinement sa vie. Qu’il avait choisi de la vivre et non pas de la subir et de se modeler aux attentes des autres. L’insinuation que la jeune femme était claire et distincte dans l’intonation de Lucian. Il parlait calmement sans s’énerver ni élever la voix. Il parlait distinctement en insistant sur les mots qui étaient importants. Il s’approchait de la jeune femme pour violer sa zone d’intimité pour la mettre mal à l’aise. Le fait qu’il était encore nu pouvait aussi accentuer la situation de malaise. Il se rendit compte alors qu’en voulant se faire comprendre et s’assurer que ses paroles n’étaient pas prises à la légère, il pouvait aussi paraitre effrayant. Il recula de quelque pas avant qu’elle ne réponde pour signifier qu’il n’avait aucune intention de lui faire du mal. Il ne s’excusa pas pour autant. Il attrapa une serviette à proximité et se l’accrocha autour de la taille.

Lucian se releva et s'approcha d'elle. Grand, musclé, imposant. Béatrix avait beau être plutôt grande, elle n'avait jamais fait attention combien Lucian l'était. Sa force et ses muscles le faisaient ressembler à un géant, à côté de Béatrix, plutôt frêle. Il semblait plus calme que pendant les minutes précédentes, mais sa voix plus tranquille ne donnait pas à Béatrix un sentiment de sécurité. Au contraire. La voix calme, tranquille, posée de Lucian ressemblait plus au calme avant la tempête. Mais ce furent ses paroles, qui blessèrent le plus la jeune femme. Elle savait parfaitement qu'elle avait été infecte avec lui. Il n'avait aucune raison d'être ne serait-ce qu'un brin sympathique avec elle. Mais ses propos furent comme un couteau que l'on remue dans une plaie profonde. Il avait raison sur certaines choses, mais de quel droit se permettait-il de la traiter d'hypocrite ? Des illusions ? S'il y avait une chose qui ne correspondait pas à Béatrix, c'était bien l'hypocrisie. Les illusions, certes. Elle en avait beaucoup. Mais sur elle-même, elle ne s'en était jamais faîtes. Elle savait qui elle était et surtout, d'où elle venait. Il la pensait superficielle, hypocrite, cynique, richissime, irrespectueuse... tellement de choses qu'elle craignait un jour d'être. Lui avait peut-être de nombreuses épreuves derrière lui ou dans son avenir, mais il n'était pas le seul. Il n'était pas le seul à porter un lourd fardeau.

<< Alors tu m’aimes pas, t’as peur de moi, tu me méprises, j’en ai rien à foutre de ta vie. Tu la gaspilles comme tu veux, moi par contre, tu m’empêches pas de vivre la mienne ! >>

Gaspillait-elle vraiment sa vie ? Épouser Louis était-ce vraiment mettre entre parenthèses tout ce qu'elle aimait ? Mais pourquoi Lucian disait-il qu'elle gaspillait sa vie ? Personne n'était censé savoir, pour ses fiançailles. Après tout, ce n'était peut-être que le hasard.
La jeune femme baissa la tête. Lucian s'approcha encore plus et leurs regards se rencontrèrent. Peur de lui ? Impressionnée, plutôt. Quand on est élevée par de futurs criminels, on apprend à ne plus avoir peur de grand chose... Elle le regarda reculer de quelques centimètres puis passer une serviette autour de sa taille. Béatrix aurait voulu répondre. Lui montrer qu'elle n'était pas la petite chose craintive, l'enfant pourrie gâtée hypocrite et arrogante que beaucoup croyaient qu'elle était. Mais rien ne sortit de sa bouche. Pas un son. L'air autour d'elle lui semblait plus pesant que jamais. Dans son esprit, seules des images de ses parents lui confirmant ce que contenait cette affreuse lettre dans laquelle ils avaient admis avoir tué Sylviana. Leurs sourires satisfaits, leurs yeux fiers. Comment avaient-ils pu ? Béatrix ne s'était jamais sentie ainsi. Trahie. Souillée. Ses parents avaient tué. Ils avaient pris une vie, pour l'unique raison du sang. Ils avaient détruit la vie de leur fils. Illusions ? Hypocrisie ? Lucian ne savait rien d'elle.

Béatrix baissa la tête, recula et tourna le dos au jeune homme. Une larme coula sur sa joue. Elle devait l'avouer, ses parents lui manquaient. Son ancienne vie, avant ce tragique évènement lui manquait. Qu'était devenu son frère ? Ils avaient tant partagé... Elle essuya cette stupide larme et se retourna vers Lucian.

<< A toi de voir si tu considères chaque main tendue comme une tentative de t'arracher ta liberté. Ou si tout simplement, tu mets ta fierté de côté pour accepter qu'on veuille t'aider. >>

Béatrix sentit qu'une nouvelle larme glissait sur sa joue. Elle regarda Lucian dans les yeux puis mit sa main sur la poignée de la porte.

<< Ta vie, tu la construis avec les autres, Lucian. Pas tout seul >>

Lucian avait donc reculé pour se mettre une serviette autour de la taille. Sa colocataire qui venait de se prendre une belle engueulade lui tourna visiblement perturbé par les paroles de Lucian mais ne semblait pas vouloir y répondre. Lucian allait se mettre à nettoyer la salle de bains en se demandant si ses copains viendraient lui mettre une branlée pour avoir haussé le ton sur une sorcière. Alors qu’elle atteignait la porte, elle s’arrêta et souffla quelques paroles en se retournant. Lucian regarda son visage encore humide de la douche. Elle lui dit qu’il ne devrait probablement pas mordre toutes les mains qui lui étaient tendues et que la vie se construisait en société et pas tout seul. Lucian n’était absolument pas d’accord, tous les muscles de son corps se contractèrent de colère.

« Putin, tu te fous de ma gueule ou t’es pas finie toi ! Des mains tendues ? les seules mains qu’on m’a tendue, c’était pour me les foutre à travers la tête. Même toi, y’a pas cinq minutes t’étais prête à me laisser crever comme un chien du moment que je salissais pas ton foutu carrelage. Et parce que par culpabilité après coup, tu me demandes « si ça va » je dois prendre ça comme une aide précieuse ? T’es même pas logique dans ce que tu dis et ce que tu fais, bordel ! »

Lucian avait horreur de recevoir des conseils de vie, qu’on lui dise comment il devait vivre sa vie, comment les gens savaient mieux que lui comment il devait trouver son propre bonheur. Lucian en avait horreur car c’était sa vie, ses choix, son bonheur. Il en faisait ce qu’il voulait et même i un jour il décidait de tout faire tomber en ruine, c’était encore son choix. Lucian n’était pas vraiment têtu et fermé sur lui-même. Il écoutait certaines personnes avec attention et il avait déjà eu des débats très intéressants avec des enseignants ou d’autres personnes intéressantes ayant vraiment quelque chose à raconter. Mais il ne supportait pas les gens qui donnaient des conseils alors qu’eux même n’étaient pas en accord avec eux même. Tous ces sorciers qui pensaient être destiné à faire de grandes choses, être connu et riche.

« Et pis vivre sa vie avec les autres, c’est ta philosophie. J’ai pas la même moi. En tant qu’être humain, j’préfère être seul que mal accompagné. Et en tant que bête, j’suis très bien tout seul aussi. Ça serait bien d’avoir de la compagnie, une meute, soyons fou même ; un amour. Mais ça tu vois, j’y aurais probablement pas droit…. »

Lucian ne voulut pas trop en rajouter. Il aurait voulu lui hurler à la figure qu’elle sortirait de cette université et décrocherais un joli travail, avec un joli salaire et qu’elle achèterait une maison et qu’elle serait capable de fonder une famille. Lucian lui n’avait aucun métier envisageable après avoir fini sa thèse sur la lycanthropie. Il avait envie de lui jeter à la figure toute la discrimination qu’il avait subie toute sa vie, tout le poids de sa nature. Car quelques soient les problèmes la conclusion était toujours la même : il était un lycan. Lucian ne rejetait en rien sa nature, elle était la source de ces problème, mais elle n’en était pas la cause. La cause était la société humaine.
Lucian remarqua alors que le visage humide de la jeune femme n’était pas à cause de la douche qu’elle venait de prendre. Il remarqua clairement la larme qui avait roulé sur sa joue, les yeux légèrement rougis et le regard triste. Lucian sa calme aussitôt, ce n’était pas son but de la blesser ou de la maltraiter. Désemparé devant cette triste beauté, Lucian ne savait plus quoi faire. Il avait toujours été maladroit dans ces cas-là, il ne savait pas comment être doux et tendre avec les inconnus. Il serra la mâchoire désemparé et impuissant devant cette situation qu’il caractérisait d’humaine. Il décida de laisser son instinct résoudre ce problème. Il leva le bras au visage de la jeune femme en offrant sa main ouverte. Il ralentit son mouvement pour poser ses doigts tendrement sur la joue de la jeune femme et repoussa les cheveux mouillés derrière son oreille. Il caressa la joue de la jeune femme afin d’essuyer la trace de la larme puis retira sa main lentement. Il n’avait pas quitter la jeune femme des yeux et avait gardé son visage sérieux.

« Je ne m’excuserais pas. J’assume toutes mes actions et toutes mes paroles. Ne me sors plus ces yeux après m’avoir énervé. »

Lucian se perdait encore dans ses mots et ses idées. Il n’arrivait pas à trier ses propres pensées, il n’arrivait pas formuler des phrases correctes. Il recula de quelques pas et ramassa la trousse à pharmacie. Il ramassa tout ce qui trainait par terre et mis tout dans le lavabo et commença à ranger.