Tous les soirs de la semaine, au bar irlandais, il y a trop de gens au goût du nouveau serveur. Ezechiel n’aime pas le monde, du moins pas lorsqu’il est sobre et doit travailler. Lorsqu’il travaille au bar, il déteste à peu près tout le monde finalement. Il y a toujours un mec pour s’assoir au comptoir dans l’idée d’avoir une discussion philosophique sur la vie et qui attend du serveur, Ezechiel en l’occurrence, qu’il donne son avis et échange avec lui. A côté, il y a toujours une fille pour tenter sa chance ou un mec qui le croit gay et tente sa chance aussi. Parfois il rentre avec la fille. Il y a toujours un groupe d’étudiant qui fait tant de bruit qu’il dérange toute l’assemblée. Il y a toujours un mec pour danser ivre en plein milieu de la piste en manquant de tomber à chaque pas et une fille pour monter sur une table en dansant à moitié nue. Et puis il y a une foule incroyable de mecs qui arrivent en étant sympathiques et reparte en étant de vrais connards. Ceux-là ont l’alcool arrogant. Mais d’une arrogance méchante, d’une arrogance alcoolisée qui ne supporte pas d’être remis à sa place. C’est l’immense différence entre un type arrogant de nature et un type qui le devient avec trois grammes d’alcool dans chaque bras. L’arrogant de nature est souvent un type finalement gentils et équilibré qui ne se deviendra pas fou à la première porte qui se refermera sur lui. Il est calme et aime être arrogant sans pour autant manquer de respect. L’arrogant alcoolisé lui, c’est bien souvent un grand timide de nature qui se sent d’un coup pousser des ailes et qui devient imbuvable, jusqu’à en perdre toute notion de respect. Ezechiel est un arrogant de nature. Et il déteste les arrogants alcoolisés. Surtout lorsqu’au petit matin, à peine décuvé de la veille, ils redeviennent des agneaux stupides, regardant leurs pieds pendant qu’ils marchent.

Tout ce beau monde absolument déprimant était l’une des choses qui pouvait expliquer qu’Ezechiel ait passé son soir de repos à la salle de combat. Il en avait par-dessus la tête des abrutis avec lesquels il devait se montrer courtois et docile. Il avait besoin après 5 jours de pur cauchemar, de frapper dans quelque chose et détestant s’en prendre à quelqu’un, il avait opté pour un sac de sable. Encore une fois, l’avantage avec le sac de sable, c’est qu’il ne crie jamais. Quand bien même vous le maltraiteriez pendant des heures, il ne se plains jamais et n’en a jamais assez. L’adversaire rêvé pour se changer les idées et se défouler. Il frappa le punchingball pendant deux heures avant de prendre une douche rapide pour faire un saut dans la piscine. Il avait alors fait une heure de longueurs et avait repris une douche. Son don le démangeais encore parfois, il avait envie de l’utiliser, à ses propres dépends même, sachant qu’il se blesserait lui aussi ce faisant. Lorsque la colère montait en lui, c’était comme s’il perdait tout contrôle. Il devait vite se reprendre s’il ne voulait pas se retrouver à utiliser son pouvoir sur la source de colère. Par chance, il n’avait pas senti de colère depuis un bon moment. Il était arrivé cette année en colère mais il avait su s’en débarrasser presque aussi vite qu’elle s’était installer. Il s’était simplement saouler dans un bar en draguant une très jolie fille avec qui il avait passé une nuit délicieuse. Une des rares soirées qui étrangement l’avait marquée plus qu’une simple partie de jambe en l’air. Il n’était pas le genre à s’attacher, faire des projets et toutes ces choses débiles auxquelles pensent déjà les gens de son âge. Mais il devait avouer qu’il pensait à cette fille depuis. Et il faut avouer aussi que le destin ne l’aidait pas vraiment à oublier. Elle était dans le cours qu’il donnait en tant qu’assistant du professeur de potions et vivait dans le même immeuble.
Ezechiel venait de se rhabiller après une bonne douche et d’enfouir ses affaires sales dans son sac de sport. Il remontait vers la résidence en portant ce sac par-dessus son épaule et en pensant encore une fois à cette fille dont il ne connaissait finalement rien. Il n’avait su son nom que des jours plus tard lorsqu’il avait appris que leurs parents respectifs les avaient fiancés. Davenheim… Elle était la fille Davenheim. Il en avait pourtant souvent entendu parler chez lui, en bien. Mais il avait toujours détesté la noblesse et ne s’y intéressé pas le moins du monde.
Il affichait un léger sourire tout en remontant à son appartement, qu’il partageait depuis 4 ans avec ses deux amis de très longue date. Il entra et mit ses affaires à laver en cherchant après ses potes. Personnes à l’horizon, ils devaient être sortis. Le jeune homme décida d’en faire autant. Il quitta alors le loft aussi vite qu’il y était entré et se posta de nouveau devant l’ascenseur. Lorsqu’il s’ouvrit enfin devant lui, il ne put réprimer un léger sourire tout en entrant en silence. Il tourna le dos à la jeune fille. C’était elle. Elle n’avait pas l’air dans son assiette d’ailleurs. Il se surprit à s’inquiéter puis se reprit.

« Davenheim, qu’est-ce qui te fait sortir si tard ? T’as l’air d’un zombie. » Fit-il arrogant et charmeur comme toujours cachant ses blessures intimes à la vue de tous.

Ezechiel qui plus tôt se sentait légèrement sur les rotules à cause de sa longue séance de sport, ou plutôt grâce à elle puisqu’elle lui permettrait de mieux dormir ce soir. Il ne manquait plus qu’un bon scotch pour engourdir son esprit qui viendrait alors rejoindre son corps déjà lourd de fatigue et il s’effondrerait dans les bras de morphée sans que rien ne puisse l’en empêcher. Pas de hantise ce soir, rien qu’une bonne nuit de sommeil reposant et serein. Il tournait toujours le dos à la jeune femme qu’il mourrait pourtant d’envie de regarder. Elle était belle, bien plus belle que toutes les femmes qu’il avait pu connaître. Il ne se l’expliquait pas lui-même. Il pensait presque chaque nuit à la retrouver et chaque jour il s’évertuait, lorsqu’il la voyait à le lui faire comprendre. Mais l’art de la séduction est bien difficile lorsqu’il s’agit en même temps de garder ses distances, de se protéger, pour ne pas souffrir. Ce genre de sentiments implique de s’ouvrir, bien plus qu’en amitié. Bien incapable d’aller contre sa réputation de tombeur qui lui permet si bien de ne pas s’engager, il était par conséquence, bien incapable aussi d’avouer que c’était plus sérieux cette fois.
Il brûlait d’envie de se retourner, pour s’assurer qu’elle allait bien, pour l’observer tout simplement, lui sourire en silence. Encore de dos, son esprit nourrissait déjà des scénarios avortés où ils feraient l’amour, là, tout de suite dans cet ascenseur qui bientôt libérerait la jeune femme, lui enlevant. Il ferma brièvement les yeux, laissant ce scénario l’emporter jusqu’à ce que Lily prenne la parole. Etrangement, il ne s’attendait pas à ce qu’elle le fasse. D’ordinaire, elle aurait attendu la porte de sortie sans même lui adresser la parole, sans même le regarder. Qu’y avait-il de différent ce soir ?

Il se tourna alors vers elle et l’observa, inclinant légèrement la tête pour mieux la voir, elle légèrement plus petite que lui. Elle voulait prendre l’air, c’était ce qu’elle avait dit. Que se passait-il ? Elle avait l’air complètement éreintée. Il avait toujours un regard tendre lorsqu’il la regardait, alors qu’il était connu pour son regard simplement charmeur. Il s’approcha doucement et posa son index sous le menton de la jeune femme, relevant légèrement son visage.
« Ce qui me fait sortir presque tous les soirs lorsque je ne travaille pas… Tu es sûr que tout va bien ? » fit-il accordant bien moins d’importance à ce qu’il allait faire dehors qu’à ce qu’elle tentait de dissimuler certainement. Avait-elle eu une autre de ces drôle de nouvelles que seuls les parents savent vous balancer sans même que cela les choque ? Ou bien était-ce autre chose ? Un garçon ? Bon sang, pourvu que ce ne soit pas un garçon, pensa Ezechiel tout en la fixant.

Il s’écarta légèrement rompant son approche, par respect, la laissant libre de son corps tandis que la sonnette de l’ascenseur retentissait, narguant le garçon avec arrogance. Presque aussi douloureux que le ton qu’avait précédemment utiliser Lily pour lui retourner sa question.
Les portes s’ouvrirent, laissant apparaître un couloir menant tout droit vers l’extérieur où elle pourrait prendre l’air et où il serait forcé de partir, faire ce qu’il était parti faire avant de la rencontrer. Il passerait alors une soirée vide de sens avec ses deux amis à observer d’autres filles alors qu’une seule hanterait ses pensées. Et dire qu’il avait imaginé dormir tranquillement du sommeil du juste cette nuit. Cette rencontre venait de lui faire tourner la tête. Comme d’habitude avec Lily.

« Après toi… » Fit-il son regard toujours ancré dans celui de la jeune femme.

Elle ne l’avait pas repoussé ni même insulté. Chose qu’elle aurait sans doute fait si elle avait été dans son état normal lorsqu’il avait osé s’approcher si près d’elle et la toucher. Il n’était pourtant rien de blessant dans les gestes du garçon, au contraire, ils étaient teintés d’une infinie tendresse. Mais il savait qu’elle l’aurait pourtant repoussé en temps normal. Elle ne l’avait pas fait. Elle s’était contentée de détourner le regard et il s’était écarté, comprenant qu’il n’obtiendrait pas de réponse et que ce contact n’était pas le bienvenu. L’ascenseur avait libéré la jeune femme de cet échange de toute évidence douloureux. Il l’avait laissé sortir et l’avait suivi, d’un pas moins précipité vers la sortie. Elle marchait vite, cherchant véritablement l’air comme elle le lui avait dit plus tôt. Elle n’avait pas menti. La porte se referma derrière elle lorsqu’elle sortit et elle s’immobilisa quelques mètres seulement après avoir passé le seuil. Ezechiel l’observa un instant, immobile, encore derrière la porte puis sortit à son tour. Il s’approcha derrière elle, sans la toucher cette fois et respira son parfum, celui de ses cheveux virevoltants dans les airs. Il ferma les yeux un court instant puis les rouvrit levant la tête vers le ciel tout en reprenant son souffle à son tour. Il n’aurait su dire ce que c’était, il n’aurait su l’expliquer mais ce parfum lui faisait chaque fois le même effet. Il se sentait revivre. Il sentait de nouveau le contact de sa peau sur la sienne et la chaleur de leur étreinte passée alors qu'ils n'étaient l'un pour l'autre que des inconnus. Il aurait tant aimé qu'ils restent des inconnus.

Et elle se retourna, lui faisant face. Il baissa la tête de nouveau vers elle. Ils étaient de nouveau proches, même si cette fois, le jeune homme s’interdisait tout mouvement. Son regard seul parlerait pour lui.
Ce fut de nouveau d’un ton sec qu’elle s’adressa à lui alors que son « merci » avait eu quelque chose d’intime de façon inavoué. Le jeune homme l’observa un temps s’éloigner tandis qu’il l’entendait tousser et peiner à respirer. Il jeta un œil de l’autre côté, se détestant d’avoir envie de la suivre alors qu’elle ne voulait certainement pas de lui. Il finit par courir vers elle pour la rejoindre avant qu’elle ne disparaisse au détour d’une ruelle sur le campus.

« Tu as l’air faible pour une raison que j’ignore et tu n’es pas obligée de me la dire, mais tu ne dois pas rester seule. Laisse moi te suivre ou viens avec moi. » Osa le garçon qui de toute façon n’avait rien à perdre. Que ferait-elle ? Tout au plus il aurait le droit à un non catégorique ou à une série de noms d’oiseaux et puis elle partirait de nouveau comme elle s’apprêtait à le faire quelques seconde plus tôt. Et ils se reverraient encore. Ils ne pouvaient pas y échapper, ils vivaient dans le même immeuble et elle suivait le cours dans lequel il assistait le professeur. Il aurait de toute façon l’occasion de la revoir qu’elle le veuille ou non et il se montrerait une nouvelle fois, là et attentionné, envers et contre son sale caractère.

« On ne parlera même pas si tu veux, j’aime bien le silence aussi mais je veux pas te laisser comme ça » continua le jeune homme. C’était bien la seule raison pour laquelle il pourrait ne pas la revoir. Si il l’abandonnait dans cet état et que quelque chose de plus grave encore arrivait. Son imagination ne fit qu’un tour tandis qu’il attendait son consentement. Il n’était pas sûr de respecter sa décision si elle lui disait de s’en aller. Il espérait ne pas à avoir à se poser cette question.

Pourquoi était-elle si pressée ? Manquait-elle d’air au point de devoir presque courir vers l’extérieur pour en retrouver ? Que risquait-elle si elle attendait trop ? L’évanouissement ? Etait-elle vraiment au bord de l’évanouissement ? Ezechiel peinait à la suivre. Il voulait la suivre, comme s’il craignait qu’elle ne s’effondre. Il la laissa reprendre son souffle, restant en retrait puis juste derrière elle, si près qu’il pouvait sentir les vapeurs de son parfum, l’odeur de sa peau. Ses mains s’étaient légèrement levées voulant entourer le corps fragile de la jeune femme, doucement et déposer un baiser sur son épaule et dans son cou. Il s’en empêcha vivement, en pensées. Elle ne lui aurait surement jamais pardonné et le lui aurait fait regretter amèrement. Elle s’était retournée pour simplement le planter là, seul, refusant sa compagnie, son aide, sa main tendue, sans demande de retour. Elle l’avait planté là, d’un ton sec qu’il lui connaissait si bien et il n’avait pas bougé. Il était comme paralysé parfois par cette froideur dont elle était capable. C’était incompréhensible. Ce n’était pas comme s’il était arrogant, irrespectueux ou lui faisait des propositions malhonnêtes. Il était tout ce qu’il y a de plus galant et respectueux avec elle même s’il garder cette pointe d’arrogance dans sa façon d’être. Jamais il n’avait été insultant ou même blessant, du moins pas volontairement. Il avait confiance en son pouvoir de séduction et bien entendu, il en jouait avec elle plus qu’avec quiconque mais toujours de façon respectueuse. Pourquoi fallait-il qu’elle le fuie ainsi, qu’elle refuse même le moindre échange verbal…
Qu’avait-il fait pour mériter un tel mépris. Devait-il se comporter comme avec les autres avec elle ? Il en doutait fortement et s’y refusait. Elle n’était pas comme les autres pour lui.

Ce fut en requérant encore sa détermination à toute épreuve qu’il lui couru après pour lui demander presque la supplier d’accepter qu’il reste près d’elle. Elle s’était alors stoppé évitant clairement son regard. Ezechiel s’en sentit blessé. Il n’y avait rien de mal dans sa proposition, il ne lui demandait rien en échange. Il discerna un sourire étrange sur le visage de Lily jusqu’à ce qu’elle laisse échapper un rire sarcastique qui eut presque finit d’achever le garçon. Il allait encore avoir le droit à une nuée d’insultes et de menaces, il le sentait. Elle revint vers lui avec une expression absolument effrayante sur le visage et le garçon eut un léger mouvement de recul, comme s’il s’attendait à se prendre une bonne claque de la part de la jeune femme. Elle n’en fit rien. Mais la façon dont elle lui parla, ce qu’elle insinua aussi, lui fit regretter la claque. C’eut été douce punition à côté de ce qu’elle lui faisait subir à cet instant.
Il fronça les yeux, incrédule, aux premiers mots de la jeune femme. Il ne savait pas du tout où elle voulait en venir. Il s’était disputé avec ses parents le soir de l’annonce et il ne leur avait pas laisser le temps de s’expliquer depuis. Il refusait cette union irréelle au profit d’une toute autre qu’il voudrait faire naitre naturellement. Elle recula et se mit à faire de grands gestes tout en proférant des paroles que le garçon ne pouvait pas comprendre. Il la fixa, le visage déformé par l’incompréhension tandis qu’elle explosait clairement. Il ne l’avait jamais vu dans cet état, elle n’avait jamais lâché prise devant lui. Devant personne même peut-être.
Elle revint vers lui, si près qu’à chaque cri, il fermait les yeux, comme sous la torture. Il baissa la tête peu à peu, comprenant la situation à mesure qu’elle s’expliquait. Il fixait maintenant le macadam, cherchant une réponse là où il n’y en avait pas et fuyant à son tour ce regard empli de larmes qu’il était bien incapable de soutenir. Il ne l’avait jamais vu pleurer non plus. Les yeux du garçon se firent brillant à leur tour tandis qu’il refusait de les montrer et elle s’éloigna de nouveau en silence. Il tremblait légèrement, de façon à peine perceptible et son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine déjà mainte fois meurtrie. Il releva la tête cherchant à égarer son regard ailleurs, dans l’horizon. Aucun secours, il n’y avait rien à l’horizon. Il fit quelques pas, piétinant sur place, tournant sur lui-même, osant parfois un regard vers Lily toujours en pleur, assise sur une souche d’arbre. Il était paralysé, ses pieds comme ancrés dans le sol. Elle lui demanda de s’en aller, il ne bougea pas. Sa gorge serrée il resta là, immobile et paumé à la regarder par épisodes. Il aurait voulu dire quelque chose, les mots ne venaient pas. Il n’avait pas voulu lui faire de mal, il aurait voulu faire marche arrière, la laisser tranquille ce soir. Elle était à fleur de peau et il n’avait rien vu. Il se sentait affreusement maladroit. Elle était malade donc… Il ne savait pas de quoi mais c’était mortel et fulgurant. Il avait déjà connu la mort, il savait le mal qu’elle fait lorsqu’elle emporte un proche. Elle lui avait pris la plus belle personne de sa vie. Il ne s’en remettrait jamais. Il se sentait mal d’être si impuissant. Il aurait voulu avoir le courage immédiat de l’aider, de lui assurer qu’il se moquait bien de savoir tout cela. Il dut prendre sur lui pour ne pas s’enfuir, effrayé.

Elle se leva alors, attirant de nouveau son regard et vint le repousser, cette fois physiquement, frappant contre son torse pour le supplier de la laisser.
« Lily… Arrête.. Arrête je te dis ! » fit-il tandis que ses mains plus robustes immobilisaient celles fragiles de la jeune femme. Il l’observa un temps, se détestant de ne pas avoir les mots puis la pris dans ses bras, posant une main dans les cheveux de la jeune femme. Il déposa un baiser dans ses cheveux.

Il déglutit difficilement, son cœur lui faisant un mal atroce.
Il finit par s’écarter à peine, prenant le visage de la jeune femme entre ses mains toujours chaudes et planta son regard bleuté déterminé dans celui rougis de larmes de la jeune femme.
« Ca change rien. Tu entends ? Ca ne changera jamais rien. Je ne savais pas c’est vrai, et c’est dur à entendre, mais ça change rien. » commença-t-il fixant la jeune femme. Son regard s’égara sur les lèvres humides de larmes de la jeune femme tandis qu’un court silence c’était installé. Il ne céda pas à la tentation et s’écarta pour la laisser respirer et lui rendre sa liberté. « Je continuerais à venir te parler, à t’inviter pour t’entendre me dire non dans l’espoir qu’un jour tu dises oui. Je continuerais à t’ouvrir la porte lorsque tu veux la franchir, je continuerais à te demander si tu vas bien… Parce que l’idée que tu ailles mal me répugne. Je continuerais à être ce que je suis avec toi, en dépits de tout ce que tu diras. » Son ton était monté sans qu’il ne s’en rende compte. Il se stoppa, reprenant son souffle et calmant son cœur. Il s’éloigna de quelques mètres, assouvissant un besoin incommensurable de marcher pour respirer.

« Je déteste te voir pleurer… Je le savais pas jusqu’à ce soir parce que ça n’était jamais arrivé… Je déteste te voir pleurer. » Fit le jeune homme, lui tournant le dos, fixant l’horizon, ses pensées s’entrechoquant dans son esprit sans qu’il n’arrive à y mettre un ordre. Ses mains vinrent s'enfouirent dans ses cheveux et ses yeux se fermèrent. Terrorisé comme un gosse devant cette maladie qu’elle venait d’évoquer, son corps refusait de cesser de trembler.

Le jeune homme était au moins aussi perdu que Lily ce soir. Elle s’était enfin confiée à lui et ce qu’il avait découvert ne lui plaisait pas. Il s’était imaginé qu’elle se refuse tout contact avec lui pour défier ses parents, ou qu’il ne lui plaise vraiment pas. Il n’était pas habitué à ne pas plaire mais après tout, on ne peut pas plaire à tout le monde, c’est bien connu, et Lily pourrait bien ne pas être attirée le moins du monde par Ezechiel. Il s’était imaginer même qu’elle puisse le détester quoi qu’il arrive, quoi qu’il puisse faire. Il n’avait pas imaginé une seule seconde que ce soit une maladie, la promesse d’une fin rapide qui puisse l’empêcher de se lier à quiconque que ce soit en amitié ou en amour. Le garçon était bien incapable de dire ce qu’il attendait de la jeune femme. A vrai dire, il n’attendait rien si ce n’est qu’elle cesse de l’ignorer et de le repousser sans raison. Il aurait été bien incapable de dire ce qu’elle représentait pour lui. Il savait que leur fiancailles arrangées n’avaient strictement rien à voir avec son désir de la connaître, rien. Il aurait plutôt été du genre à la fuir s’il n’avait considéré que cela. Mais il l’avait connu autrement qu’à travers ses parents et il ne l’avait pas oubliée. Il l’avait remarqué dans ce bar, l’avait trouvé absolument craquante, physiquement tout d’abord puisqu’il ne savait strictement rien d’elle, même pas un prénom. D’ordinaire, il n’aurait pas cherché à la revoir, elle aurait pu être une femme parmi d’autres. Mais pas elle. Il n’avait pas cessé de penser à elle, et avait envie de la connaître.

Etait-ce un jeu ? Etait-ce sa résistance qui faisait tout le charme de leur relation ? Est-ce qu’il se désintéresserait s’il finissait par l’avoir ? Il n’en savait encore foutrement rien. Il s’était dit que cet aspect pouvait aussi pousser Lily à le repousser, sa réputation volage et la peur qu’il se serve d’elle avant de l’abandonner. Il était perdu, complètement perdu. Il savait qu’il voulait la connaître, c’était la seule certitude.

Il venait pourtant, fasse à toute l’horreur de la révélation de Lily, de se montrer fort et sûr de lui. Il ne l’était pas tant que cela. Il se sentait capable de faire abstraction de cette maladie pourtant, elle n’avait en rien anéanti son envie de connaître la jeune femme. C’est perdu dans toutes ces questions qu’il s’était éloigné, prenant ses distances, refusant de lui faire plus de mal. Il avait besoin de temps, besoin de réfléchir à ce qu’elle représentait pour lui. Pourquoi lui semblait-elle différente ? Se pourrait-il qu’elle soit plus que l’histoire d’une nuit ? Que des sentiments amoureux puisse grandir dans son petit cœur inexpérimenté ? Il fut sorti de ses pensées moroses par la voix furieuse de la jeune femme revenue vers lui. Il s’était retourné et avait eu un mouvement de recul tandis que Lily s’approchait en vociférant. Pourquoi, lui demandait-elle… Il n’en savait rien. Il ne savait pas pourquoi. Elle pleurait toujours mais la rage avait pris le dessus sur son visage et bientôt sa main vint claquer contre le visage du garçon qui tourna la tête, restant un temps immobile ainsi, son visage brûlant d’un coup plus blessant psychologiquement que physiquement. Il n’était pas capable de répondre à toutes les questions qu’elle se posait. Il ne savait même pas où il en était lui-même. Peut-être avait-elle raison, peut-être devrait-il laisser tomber et continuer sa vie de débauche avec les autres femmes.

Il finit par se tourner de nouveau vers la jeune femme, le visage fermé. Il l’observa, un instant avant qu’elle ne lève vers lui sa baguette. Il y jeta un œil puis planta de nouveau son regard dans celui de la jeune femme.
« Je ne sais pas. Qu’est-ce que tu comptes faire ? Baisse cette baguette, pas de ça entre nous… Sais-tu pourquoi tu refuses qu’on se voient ? Sais-tu pourquoi tu refuses toutes mes avances ? N’as-tu jamais flirté ? Suis-je si repoussant à tes yeux ? T'ais-je montré un quelconque manque de respect ? Si c'est le cas je m'en excuse. » Fit-il avec les seules certitudes qu’il avait. Il ne pouvait pas lui promettre de l’aimer, d’être celui qui la soutiendrait et l’aimerait jusqu’au bout. Il n’en était pas là. Il voulait la connaître, oui. Il voulait flirter avec elle, oui. Et ça n’avait jamais tué personne. Comment savoir ce qui les unissait vraiment s’ils ne se voyaient pas, s’ils ne se laissaient pas une chance ? Il ne regardait plus cette baguette sur son cou, s’attendant au pire quoi qu’il arrive. Il n’imaginait même pas une seconde lui faire du mal, que ce soit physiquement ou en utilisant son pouvoir. C’était impensable. Elle ferait de lui ce qu’elle voudrait.

Ezechiel venait de se prendre deux claques, l’une par la maladie, l’autre par la main de celle qu’il s’évertuait à vouloir connaître. Il détestait cette situation, il aurait voulu avoir la force de tourner les talons et de s’enfuir, mais c’était plus fort que lui. Il ne voulait pas l’abandonner, il refusait qu’elle croit qu’il n’était qu’un lâche. Il n’était pas du genre à fuir devant les obstacles. Il se détestait de la faire pleurer mais il avait lui aussi des questions à lui poser. Leurs rencontres étaient bien souvent ponctuées de silence et d’ignorance. Pour une fois qu’elle semblait prête à parler il ne voulait pas perdre cette occasion. Même s’il avait honte de profiter de ce moment de faiblesse surement passager. Il venait de poser ses questions, le visage fermé, il n’était plus question de sentiments pour le moment, blessé par la gifle. Les réponses approximatives de la jeune femme furent incompréhensibles pour le jeune homme dont l’expression ne changea pas. Il devait prendre sur lui pour que sa main ne se lève pas pour essuyer les larmes roulantes sur les joues de la jeune femme. Il aurait tant voulu avoir le cran de prendre soin d’elle encore mais la gifle l’avait refroidi. Il ne bougea pas, la fixant le regard montrant presque de la colère alors qu’il ne l’était pas réellement. Il tentait de rendre son regard moins brusque mais la gravité de la situation le dépassait totalement.

Lorsqu’elle baissa sa baguette, tournant les talons de nouveau et s’éloignant du jeune homme, il ne la quitta pas des yeux. Il l’observa et l’écouta encore même si les mots ne trouvaient plus d’écho dans son esprit. Il était comme anesthésié par cette colère grandissante en lui. Il ne voulait pas être en colère. Il ne devait pas. Pas contre Lily, jamais. Il se tourna à son tour et chercha de quoi se calmer. Il frappa de son pied un caillou devant lui. Il avait envie de fumer, comme à chaque fois qu’il se sentait perdre les pédales. Il jeta un œil à Lily qui s’était retournée vers lui et se trouvait à quelques mètres seulement. Leurs regards se croisèrent et il baissa la tête. Il s’approcha d’un pas calme et posé jusqu’à elle et vint aussi proche qu’il le pouvait sans pour autant la toucher.

« Je veux te connaître. On est fiancés et je m’en moque complètement, je ne t’ai pas connu comme ça. On est deux inconnus qui se sont rencontrés dans un bar à Londres et qui avons passé une nuit ensemble. Et je veux en savoir plus sur toi. Je mentirais si je disais que je ne te veux pas, que je ne veux pas retrouver la relation que l’on a établit ce soir là, et je ne suis pas un menteur. Je ne laisserais pas tomber pour ta maladie ou parce que tu l’as décidé, je suis prêt à promettre de ne pas m’attacher. Pour la simple raison que je ne sais pas où ça ira. Je me fou de tout, je suis comme ça. Je ne connais aucune réponse à tes questions… » Avait-il dit avec conviction, son regard ce faisant plus tendre avec le temps. Il souffla un coup avant de reprendre et sa main vint se poser sur le visage de la jeune femme, essuyant une larme de son pouce. Il l’observa quelques secondes puis ses lèvres fondirent sur celles de la jeune femme en un baiser appuyé mais tendre. Le baiser fut bref et il posa son front contre celui de Lily, fermant les yeux un temps avant de les rouvrir.

« Je n’ai qu’une certitude, tu t’es faites spectatrice de ta propre vie pour ne plus avoir à souffrir et je refuse cela. Vis loin de moi si tu le souhaites mais vis. Tu n’as peut-être que quelques années à vivre alors ne les gâche pas en te demandant qui souffrira autour de toi. Tu crois que parce que tu me repousses, je ne souffrirais pas le jour ou j’apprendrais ta disparition ? Tu crois vraiment que tu peux préserver les autres en t’interdisant de vivre ? Tout ce que tu perds, c’est du temps. Tu te flingues toute seule Lily. » Poursuivit-il sans décoller son front de celui de la jeune femme. Il avait peut-être passer les bornes et s’en moquait.

Elle ne le regardait plus. Elle avait fermé les yeux dès lorsqu’il avait pris son petit visage entre ses mains. Elle n’avait pas fuit son baiser et ce contact, aussi court soit-il fit l’effet d’un électrochoc pour le garçon qui depuis quatre ans avait attendu de retrouver ces lèvres qu’il n’avait connu que le temps d’une nuit. Elles avaient laissé une empreinte indélébile, comme un goût amer lorsqu’il avait compris qu’il n’y aurait certainement pas d’après. Ce baiser venait atténuer ce goût amer. Ezechiel n’en abusa pas. Il savait déjà que cela pouvait être perçu comme un manque de respect et qu’il se prendrait peut-être pour la seconde fois dans la soirée, la main de la jeune femme sur le visage. Il avait alors posé son front contre celui de Lily pour lui dire tout ce qu’il avait à lui dire et se détestait d’en arriver là. Il venait carrément de la supplier de vivre, même si pour cela, elle décidait qu’il n’avait pas de place dans sa vie. Il voulait une place dans la vie de la jeune femme, au moins une petite chance de la connaître. S’ils n’avaient pas été dans la même université, il n’aurait même jamais connu son prénom. S’il n’avait pas insisté pendant quatre longues années pour qu’elle daigne lui parler, il n’aurait jamais su qu’elle était mortellement malade non plus. Il ne regrettait rien.

Elle rouvrit les yeux et s’éloigna de nouveau sans un mot, rompant le contact physique. Ezechiel ne tenta pas de la retenir, par respect. Il se contenta de l’observer, le visage légèrement incliné, cherchant à capter son regard fuyant. Le sien se voulait à la fois doux et désolé d’en être arrivé là. Elle avait ramassée sa baguette et s’éloignait maintenant du garçon. Il porta ses doigts à ses lèvres comme pour empêcher la sensation du baiser de s’en détacher, comme pour la mémoriser au plus profond de son être. Il ne la rattraperait pas cette fois. Il était déjà aller bien assez loin, elle ne voulait pas de lui, il faudrait qu’il s’y fasse. Au moins pour ce soir. Il avait baissé la tête et s’apprêtait à faire demi tour pour rejoindre ses deux amis dans le bar où ils devaient certainement l’attendre depuis un moment maintenant, lorsqu’il entendit les pas précipités de la jeune femme revenant vers lui. Il leva alors la tête brusquement et elle l’embrassa à son tour, plaquant ses lèvres contre les siennes. Les mains du garçon virent s’enfouir dans les cheveux de la jeune femme tandis qu’elle pleurait de nouveau à chaudes larmes comme si ce baiser lui brûlait les lèvres. Ezechiel lui rendit ce baiser, appuyant ses lèvres chaudes contre celles glacées de la jeune femme, cherchant à poursuivre ce contact alors qu’elle s’éloignait déjà. Elle colla son front contre le sien et continua de pleurer. Les mains du garçon descendirent sur les épaules puis dans le dos de la jeune femme, l’entourant pour la réchauffer. Il n’aurait su que dire tant il ne savait plus pourquoi elle pleurait. Etait-ce le baiser ? Ou bien cette maladie ? Qu’arriverait-il maintenant ? Aux questions sans réponses du début venaient maintenant de s’en ajouter une multitude d’autres. Elle se défit de son étreinte en reculant de quelques pas, sans lui tourner le dos et il l’observa le regard incrédule. Elle leva alors sa baguette vers Ezechiel et s’excusa par avance d’une chose que le garçon ne comprenait pas.

« Pourquoi Lily ? Qu’est-ce que tu fais ? » Fit-il cherchant désespérément une explication à tout cela. En quelques minutes, elle l’avait giflé puis embrassé et elle le menaçait maintenant de sa baguette. Il ne bougea pas, les pieds ancrés dans le sol. Il l’entendit murmurer un mot qu’il ne reconnu que trop tardivement, un éclair avait déjà jaillit de la baguette de la jeune femme, heurtant l’étudiant en pleine tête. Il fut frappé violemment et tomba en arrière sur le sol. Un coup marqua le haut de son front, l'ouvrant légèrement et la douleur fulgurante fut immédiatement suivi par une sensation de vide absolu pour le garçon dont le corps resta inerte sur le sol. Il reviendrait à lui dans quelques minutes et tout ça n’aura pas existé.